« Ce qui me plait dans ce métier, c’est le terrain ! », déclare Sara Teillard, 35 ans, pendant un échange via Skype. Pendant quelques mois, la jeune femme est en mission en Equateur, dans le cadre de son travail. Elle occupe un poste à multiples facettes, où elle est à la fois responsable de programmes Amérique Latine et référente sur la micro-assurance pour l’ONG Acting for life.
Ses études, pourtant, ne la destinaient pas forcément au monde associatif. « Pour une partie de mes missions, j’occupe des fonctions d’actuaire, sans en avoir le titre » explique cette jeune femme active et multi-diplômée. Après un master en gestion option finances et un master de l’ESSEC spécialisé dans la gestion des risques, Sara travaille dans le secteur bancaire. « Mais je savais que je ne voulais pas y rester, que je voulais un jour rejoindre le secteur associatif. Car les marchés financiers, même s’ils sont utiles, sont discutables. Je ne m’y retrouvais pas, poursuit la jeune femme. C’est intellectuellement intéressant, mais les raisons pour lesquelles on le fait, je n’en partageais pas les valeurs. La façon de répartir les richesses par exemple. Dans le monde associatif, on sait pourquoi et pour qui on travaille. »
« On se positionne du côté du bénéficiaire, ce n’est pas un assuré »
Sara se forme alors en parallèle en suivant des cours du soir au CNAM pendant deux ans pour passer un master d’actuariat. Puis elle démissionne de son emploi dans la banque et s’engage dans une association via un volontariat de solidarité internationale, pour réaliser la clôture et l’audit financier d’un projet.
Elle décide ensuite de mettre ses compétences au service de causes qui lui parlent et rejoint Acting for life en 2012. Dans le secteur des assurances, l’actuaire réalise des études de risques et de probabilités afin d’élaborer des contrats. « Mais en tant qu’ONG, notre rôle n’est pas de développer le secteur de l’assurance ! » précise bien Sara.
Dans les programmes pour lesquels elle travaille, l’objectif est de se poser la question de la pertinence ou non d’une solution d’assurance. « On se positionne du côté du « bénéficiaire ». Ce n’est pas un « assuré » pour nous, comme c’est le cas dans les compagnies d’assurances. Pour la gestion des risques, l’assurance est une des propositions possibles. Par contre, quand on propose un modèle d’assurance, il doit être rentable et son utilité sociale doit être recherchée ! ».
Dans un des projets sur lequel Sara a travaillé en Afrique de l’Ouest par exemple, elle participe à une étude de faisabilité pour une assurance sur le bétail pendant les transhumances. Des données sont récoltées pendant une année de transhumance pour faire des simulations de calculs de risques. « Notre rôle était de se poser des questions. Où doit se positionner l’assurance : au niveau de l’éleveur ou de l’Etat par exemple ? Pour couvrir quels risques : climatiques, accidentels, liés à des maladies, des morsures de serpent, etc. ? Cela a permis d’alimenter le débat, de sensibiliser les acteurs concernés et d’aider à la prise de décision. Cette dimension de sensibilisation est très intéressante ».
Repenser son modèle, en fonction du contexte
Ce qui anime Sara, c’est aussi la dimension expérimentale de la micro-assurance, secteur où elle est devenue référente pour les projets de son ONG. « C’est un secteur, où on ne peut pas appliquer un modèle et le dupliquer. Il faut donc repenser un modèle à chaque fois, en fonction du contexte. Il faut alors comprendre ses mécanismes au niveau d’une société ».
Le choix de Sara est aussi celui d’un réel engagement. Dans ce secteur, les postes avec de gros revenus sont légion. « Mais j’ai fait ce choix en accord avec mes convictions. En tant qu’ONG, on n’a pas d’objectif commercial, donc on est plus libre dans nos analyses. La micro-assurance a une utilité sociale et c’est cela qui m’intéresse plus ! Si on se concentre sur le salaire, on ne fait pas ce que je fais », conclut-elle avec conviction.
Rédigé par Emmanuelle Genoud et publié le 2 avril 2018 dans le magazine Say Yess.